J'ai plusieurs cordes à mon arc : mère épuisée mais comblée (de Pti Tonique 3 ans et l'Iroquoise 16 mois), rédactrice Web indépendante, squaw libérée, concubine intermittente (quand il nous reste 5 min), cuisinière de trucs rapides qui prennent toujours plus de temps que prévu, écrivaine à la plume de vautour, chevaucheuse de bisons dans les plaines autour de Lyon.
Je suis bouleversée.
Mes pensées partent de tous les côtés et je ne sais comment les organiser.
Ce matin, j’ai reçu dans ma boîte mail le dernier article de Sandrine (du blog professionnel S Comm C) : Une mère digne de ce nom ne ferait jamais ça. Son billet à travers duquel j'ai atterri sur les deux récents articles de Stadire, sur le BabyBlog. Le premier : Les mères monstres.
On entend bien volontiers qu'une mère puisse, selon l'expression populaire qui lui est consacrée « péter un plomb ». On entend facilement qu'une autre puisse être soumise ou manipulée par son conjoint.
On entend aussi la folie, la dépression, mais on ne VEUT PLUS comprendre quand il y a passage à l'acte.
Et puis surtout le 2e : La difficulté maternelle. Comme beaucoup de lectrices (lecteurs ?), le témoignage que Stadire cite m'a touchée.
Bien entendu, je me suis reconnue dans cette mère qui ne supporte plus les pleurs de son enfant, qui ne sait plus quoi faire, quoi LUI faire, quoi SE faire, où aller, comment le lui demander, à qui faire appel pour faire CESSER cela, pour ne pas perdre l'esprit ! S'occuper d'un tout-petit qui pleure, qui ne va lui-même pas très bien pour x raisons, peut être une véritable torture.
J'ai déjà dit à des proches, sûrement au cours de la première année de Pti Tonique, que l'idée m'est venue de passer mon fils par la fenêtre parfois et surtout, que je comprenais DANS QUEL ETAT D'ESPRIT et de NERFS pouvait être un parent qui en venait à secouer son enfant - tout en sachant les séquelles que cela pouvait entraîner.
Bien sûr, quand on est un parent digne de ce nom, on en arrive jamais là.
Ah bon ? Peut-on savoir ce qu'il fait ou ne fait pas d'autre le parent digne de ce nom ? Est-ce qu'il ne crie jamais, est-ce qu'il doit être disponible le mercredi, est-ce qu'il doit bosser 6j/7 pour montrer l'exemple ou au contraire être dispo jour et nuit à la maison, est-ce qu'il doit cuisiner des bons petits plats toute la journée ou acheter de l'industriel de temps en temps, est-ce qu'il doit .... etc ???
Il y a 1001 façons d'être parent, tout comme il y a 1001 façons de tenir le coup... ou de lâcher prise.
Je crois que c'est beaucoup plus complexe qu'un simple "c'est inimaginable, pendons les monstres haut et court !".
Bien sûr, moi aussi, les chiffres de la maltraitante et du nombre d'enfants qui meurent sous les coups de leurs parents chaque jour me font froid dans le dos. Mais vraiment. A tel point que je me torture très régulièrement à savoir si je dois ou non prévenir les services sociaux quand j'entends ce que j'entends chez mes voisins de derrière lorsque leurs fenêtres sont ouvertes...
Il y a cet éternel problème de l'ingérence, d'à partir de quand on se permet d'entrer dans les foyers, quand est-ce que c'est justifié - voir un article très intéressant de Working Mama à ce sujet, datant de juin dernier mais que j'ai découvert hier : Etre enfant et mourir sous les coups : l'infâme constat.
Mais revenons-en au parent "indigne".
Revenons-en à la grande question qui est tout de même, vous en conviendrez : comment empêcher ça ?
Voilà ce que dit Sandrine dans son article :
Et parce que les gens croient que la violence est le signe d’un problème mental, la plupart des parents essaient d’éteindre ce signal d’alarme en tentant de faire taire leurs pensées, leurs ressentis, leur fatigue, en se disant qu’ils doivent prendre sur eux pour être des parents « dignes de ce nom ».
Mais quand on essaie de faire taire un signal d’alarme sans s’intéresser à l’incendie qui l’a déclenché, il y a de fortes chances que la maison entière finisse par brûler et s’écrouler.
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Pour tout vous dire, ma mère est assistante sociale. Dans le cadre de son travail, elle a été amenée, depuis près de 15 ans, à participer activement (doux euphémisme) à l'une des missions de l'Etat, via le conseil général : la protection de l'enfance. Une mission particulièrement difficile et éprouvante pour les agents qui l'ont en charge. Une mission qui les touchent personnellement chaque jour et ne les laisse certainement pas indemnes.
A plusieurs reprises, j'ai eu connaissances de situations familiales particulièrement douloureuses qu'elle me relatait - anonymement bien sûr. Des trucs inimaginables, sincèrement. Même dans les films et les livres les plus glauques, je n'ai jamais lu des situations aussi tristes.
Ce qui revient à chaque fois, ce n'est pas tant de pardonner l' "irresponsabilité" ou la violence des parents en cause, c'est plutôt qu'il y a des causes à tout ça. Des fragilités antérieures, des addictions, des chemins de vie particulièrement marqués, non pas qui doivent nous rendre indulgents mais qui permettent de comprendre l'incapacité de ces parents à prendre du recul à un moment donné, l'incapacité à assumer un autre être humain (qui plus est particulièrement en demande et dépendant) quand on ne parvient pas déjà à s'assumer soi-même. Il est quasiment impossible d'être bienveillant envers autrui (même son propre enfant) lorsqu'on est soi-même en souffrance, vide de toute énergie, de tout espoir et que l'on a plus rien à donner.
Je ne dis pas que tous les chemins de vie difficiles mènent à la maltraitance parentale - bien au contraire, nombre de parents acquièrent dans leur parcours la capacité de dépasser leur vécu pour offrir un autre possible à leurs enfants.
Mais de même, il y a des gens comme moi, qui ont eu leurs soucis, leurs blessures (qui est épargné ?) mais qui se sentent, se savent plutôt bien épaulés dans la vie, qui vivent dans des conditions matérielles privilégiées et qui pourtant, un jour, se retrouvent à éprouver l'envie de passer leur gamin par la fenêtre.
MAIS qui ne le font pas. (Qui le feront peut-être un jour ? Qui sait ? Je n'espère pas, je ne crois pas...)
Justement, personne ne sait. Personne ne sait jusqu'où il est capable de tenir. Enfin, parfois si - par exemple, moi, je sais que si je retombais enceinte aujourd'hui et avais un 3e enfant à 2 ans d'écart avec la dernière, je plongerai très certainement en pleine dépression post-partum, en burn-out complet, évité de justesse jusque là.
Mais parfois non. On ne sait pas trop ce qui nous fera déraper. On s'en rend compte au dernier moment. Ou on a beau savoir pourquoi, on n'est pas pour autant capable de se maîtriser.
Je le vois par exemple quand je me mets à crier le soir à table parce que tout le monde chouine, tout le monde se plaint et réclame ce qu'on est déjà en train de faire pour lui et que je ne parviens pas à finir ma phrase et à me faire entendre par mon conjoint. Je craque, je crie que c'est pas possible. Je sais que c'est nul, que ça n'est pas comme ça que je mettrai tout le monde dans de meilleures dispositions mais je ne parviens pas à prendre le recul nécessaire sur le moment pour m'y prendre autrement. Enfin, parfois si. Et parfois non.
Et comme l'être humain est une "machine" extrêmement complexe, on ne saura jamais - à coup sûr - ce qui fait déraper quelqu'un à un moment donné, et commettre l'irréparable sur l'être auquel il tient généralement le plus au monde.
Alors en attendant, PREVENTION ! Soutien, écoute, proposition de solutions concrètes sont les meilleures choses à faire.
Mais en même temps que j'écris cela, et j'y pensais en lisant le témoignage de Virginie chez Stadire :
Mon ambition pour l'année prochaine c'est de venir en aide aux mamans qui ont vécu ou vivent la même chose, en montant une association, ou un site web, parce que les professionnels ont beau dire ne pas juger, tant que tu ne le vis pas, tu ne peux pas comprendre...
en même temps, je me demande comment faire pour atteindre les personnes qui en ont le plus besoin. Celles qui sont isolées, qui n'ont pas accès à Internet, qui n'osent pas aller à la PMI, qui craignent de s'exposer, qui ont honte...?
C'est un peu ce qui me désole, comme avec les échanges que l'on essaie d'avoir sur les Vendredis Intellos. Finalement, les personnes touchées sont celles qui ont déjà le plus cette capacité à prendre du recul, à se regarder faire, à analyser leur comportement et à identifier ce qu'elles veulent changer en cherchant les ressources nécessaires pour cela (livres, associations, institutions ou entourage). Qui ont les capacités de chercher des ressources, ce qui est déjà énorme.
L'autre problème, c'est que les services gratuits d'aide à la parentalité (PMI, CMPP, ...) sont souvent débordés. Je le sais, j'ai moi-même appelé le CMPP dont je dépends en début d'année pour demander à voir un pédopsy et il y avait... 8 mois d'attente !!! (idem en cabinet privé, ceci dit). J'avais largement le temps de péter un plomb*, de me mettre à hurler de plus en plus souvent sur mon fils et à finir - peut-être - par le frapper. Bon, certes, je suis contre la violence à visée éducative. Mais en-dehors de la violence physique, il y a des mots et des actes dont je ne suis pas fière non plus. Et puis nous avons trouvé notre sas de décompression en passant par une psy en cabinet qui pratiquait la thérapie familiale, j'en avais rapidement parlé en avril dernier (Besoins en équilibre). Pour le coup, il y avait 1 semaine de délai. Mais tout le monde ne peut malheureusement pas se payer une séance tous les 15 jours pendant plusieurs mois...
Il y a des gens qui sont effrayés aussi à l'idée d'entrer dans le système, effrayés par ce que l'on pourrait découvrir d'eux, les jugements que l'on pourrait porter, leurs enfants que l'on pourrait pouvoir placer. Ca n'est pourtant pas toujours la pire chose à faire mais rares sont les parents qui y voient une solution bénéfique sur le moment. Qui voudrait se voir arracher ses enfants ??
Et puis il y a cet éternel tabou, le fait qu'il soit choquant d'avouer que par moments, nous éprouvons des sentiments négatifs et des pulsions violentes (la plupart du temps non assouvies) à l'égard de nos enfants, lorsque nous souffrons, lorsque nos besoins se trouvent exagérement niés. Cette idée reçue et entretenue de la parentalité qui devrait nous combler. Il n'y a qu'à voir la discussion que j'avais eue avec mon père à ce sujet... Cette incompréhension entre nous m'a vraiment laissée un goût amer.
Combien de médecins entendent vraiment la mère au bord du craquage ? Combien d'entre elles sont reparties avec une ordonnance pour une prise de sang, du fer, de la vitamine C et la recommandation de faire comme ci, de laisser pleurer, de faire comme ça, de ne pas trop s'écouter ?? o_O
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Je remets quelques unes des pistes de soutien citées par Stadire (celles auxquelles je crois le plus) :
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Cet article n'ayant pas vraiment de fil conducteur - je l'ai dit en préambule, je suis bouleversée, beaucoup de choses tournoient dans ma tête suite à ces lectures -, je vais m'arrêter là.
Mais ces réflexions m'ont donné envie de pousser plus loin ma volonté d'aider les autres parents. Les parents-qui-rencontrent-des-difficultés... enfin, n'est-ce pas un pléonasme ?
Je ne sais pas quand ni comment mais je pense que l'idée va germer progressivement.
* idem pour les besoins d'aide psychologique aux adultes, où on obtient rarement de l'aide de manière rapide en dehors d'une tentative de suicide (je l'ai expérimenté aussi) (le fait de ne pas être prioritaire je veux dire. Ce qui est compréhensible vu les circonstantes mais on peut aisément en conclure qu'on manque de moyens... ou de volonté politique de les mettre en place, bonnet blanc et blanc bonnet)