L’avantage quand on ne fait que des filles, c’est qu’on n’aura jamais de belle-fille (sauf, bien sûr, si notre fille se met en couple avec une fille mais ça n’est pas le propos). Seulement un beau-fils et c’est une relation que je trouve plus aisée à gérer, qui joue davantage sur le charme. C’est en tous cas les exemples que j’ai autour de moi : ma mère adore Papa Sioux, ma grand-mère maternelle apprécie beaucoup ses beaux-fils et est particulièrement « fan » de mon père, etc.
La relation belle-mère/belle-fille possède toujours un fond de rivalité (volontaire ou non, avouée ou pas), même si certaines femmes savent très bien dépasser ce réflexe et que de belles relations, sereines et solidaires peuvent ensuite se créer.
Dans la famille de mon père, les conjoints ont toujours été assez peu considérés et on leur a toujours bien fait sentir ce statut, même si la véhémence des réflexions diminue avec le temps et l’énergie de mes grands-parents paternels. Pourtant, ma grand-mère a toujours pu beaucoup compter sur ma mère, notamment pour l’accompagner dans la vieillesse, autant pour l’aider à adoucir son quotidien de vieille dame, qu’en termes d’aide administrative et relationnelle, d’aide physique à la marche, aux soins corporels, etc. Beaucoup de ces choses sont des « affaires de femmes », des services que mon père serait sûrement un peu gêné de rendre à sa mère et sa mère de recevoir de la part de son « grand garçon ». C’est là que ma mère, lors de ses séjours chez ses beaux-parents, a eu un grand rôle à jouer auprès de sa belle-mère et principalement celui de l’oreille attentive, de l’écoute empathique du passé et du présent pas toujours très épanouissants d’une femme au foyer qui n’a pas été très heureuse dans sa vie, tout en dispensant si nécessaires des commentaires apaisants et des conseils avisés.
De mon côté, j’ai mis un certain temps à appréhender l’état d’esprit général et l’humour de ma belle-famille (il ne s’agissait pas là de vulgarité ou de « beaufitude » mais de remarques que je considérais toujours comme mi-figue mi-raisin et que j’interprétais de la façon la moins élogieuse à mon égard, ce qui avait le don de me rendre quelque peu crispée à leur égard).
Malgré cette ambivalence, ma belle-mère a toujours eu la parole assez facile avec moi dès les premiers temps et n’a pas tardé, au détour d’une conversation au départ anodine, à me compter de petits bouts de son histoire, tant personnelle (son enfance) que familiale (enfance de Papa Sioux), de ce qu’elle considère parfois comme des difficultés relationnelles avec ses enfants ou encore de l’avenir de son petit dernier.
En rentrant des week-ends dans ma belle-famille, j’ai plusieurs fois fait la remarque à Papa Sioux que j’avais le sentiment d’avoir davantage échangé avec sa mère que lui-même ne l’avait fait durant tout notre séjour – et que je trouvais ça dommage. Je sentais que sa mère avait envie de parler et qu’elle l’aurait aussi fait très volontiers avec son fils (elle me le disait même clairement parfois) mais celui-ci restait secret ou ne gardait guère de temps dans ses activités du week-end pour cela – mais sans doute sa mère ne faisait-elle pas suffisamment d’efforts pour le lui faire comprendre, de son côté ?
Aujourd’hui, j’ai toujours ce « rôle »-là, un peu malgré moi, auprès de ma belle-mère. Les premiers temps, j’avoue que ça me dérangeait, ça me désarçonnait. Je me demandais qu’est-ce qui, dans mon comportement, appelait aussi clairement à la confidence. Pourquoi, alors que je me prenais parfois des reproches ou des remarques à peine voilées, j’étais aussi celle que l’on venait trouver afin d’en savoir un peu plus sur le quotidien du fiston et de s’épancher sur sa vie passée. J’avais du mal à comprendre.
Bien souvent, je l’ai remarqué et vous me confirmerez sûrement que je ne suis pas la seule, il est bien plus aisé pour les belles-mères de passer par leur belle-fille pour apprendre ce qu’elles souhaitent ou formuler les reproches qui les habitent. Cela leur évite de « déranger » leur fiston adoré avec des questions qui pourraient l’oppresser, cela leur permet de ne pas prendre le risque de mécontenter la chair de leur chair – et de prendre ainsi le risque de se sentir moins ou mal aimée ! – tout en faisant passer les messages nécessaires (« pourquoi on ne vous voit pas plus souvent ? » étant un exemple pris tout à fait au hasard).
J’ai un autre exemple dans mon entourage d’une jeune fille qui a eu des mots assez forts avec sa belle-mère (s’achevant par une coupure des relations entre elles deux) car celle-ci faisait peser sur sa belle-fille toute la responsabilité du peu de visites qu’elle recevait de son fils (et donc du couple). Plutôt que d’en parler avec le principal intéressé, c’est-à-dire son propre enfant, et d’admettre que c’était surtout lui à qui ce rythme (peu fréquent) de rencontres convenait – n’éprouvant pas l’envie de voir ses parents plus souvent que cela (une fois encore, à eux de régler leur histoire… mais c’est tellement moins douloureux d’accuser quelqu’un d’extérieur plutôt que de se retourner sur la façon que l’on a eu d’élever son enfant jusque là !).
Quand je pense à tout ceci, je me dis qu’être la mère d’un garçon n’est pas une mince affaire (on en reparlera quand j’aurai une fille, rappelez-le moi le moment venu !). J’espère que quand Pti Tonique sera grand et qu’il sera en couple (à supposer que ça soit avec une fille… bin oui, je ne connais pas encore ses orientations sexuelles, on ne sait jamais !), j’aurai le bon sens de m’adresser avant tout à lui en ce qui concerne notre relation, la fréquence des moments où l’on se verra, le récit de son quotidien, etc. Car même si j’apprécie ma (future future future) belle-fille, il s’agira avant tout de ma relation avec mon enfant, de la qualité des échanges que nous avons bâtis jusque là – c’est un peu à ce moment-là que l’on se rendra compte de la portée de notre éducation en termes de communication et d’envie d’échanger. Car après tout, avant que leur fils se mette en couple, comment les mères ont-elles communiqué avec eux ? Il n’y avait pas de belle-fille pour jouer le (mauvais) rôle d’intermédiaire/diplomate/psy/organisatrice/et-plus-encore.